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Lois antitrust : « Presque tout reste à faire dans le combat contre les abus de position dominante des Big Tech »

Ce sont deux femmes puissantes, souvent mal-aimées et qui ont au moins une chose en commun : être les bêtes noires des grandes plates-formes numériques américaines. L’une va quitter Bruxelles, l’autre est sur la sellette à Washington. Margrethe Vestager n’a pas été retenue par le Danemark pour continuer dans l’équipe d’Ursula von der Leyen son action de commissaire à la concurrence, un poste des plus stratégiques de l’administration européenne ; Lina Khan, présidente de la Federal Trade Commission (FTC), l’agence antitrust américaine, est dans le collimateur de patrons de la Big Tech, y compris prodémocrates, qui réclament sa tête à Kamala Harris − déjà sur le billot du républicain Donald Trump.
Durant ses dix ans de mandat (2014-2024), l’inflexible Danoise a mené la vie dure à Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft (Gafam), traquant leurs multiples entraves à une vraie concurrence et leur planification fiscale agressive. Elle a subi bien des revers et remporté des succès. Elle partira sur une victoire, alors qu’elle s’était « préparée à la défaite » : la Cour de justice de l’Union européenne a jugé sans appel, mardi 10 septembre, que la taxation dérisoire d’Apple en Irlande entre 2003 et 2014 était une aide d’Etat illégale et qu’Apple devra reverser 13 milliards d’euros à l’Irlande. Si influent soit-il, son patron, Tim Cook, n’a pas le pouvoir de débarquer Mme Vestager.
Lina Khan est bien plus exposée. Saluée comme « audacieuse » à Bruxelles, sa nomination par Joe Biden à la tête de la FTC, en 2021, avait été vécue comme une déclaration de guerre par des Big Tech. Pensez, elle voulait rien de moins que les démanteler, comme la Standard Oil, American Tobacco ou AT&T avant eux. Encore étudiante à Yale, et partant du « cas Amazon » dans l’e-commerce, elle dénonçait l’inadaptation des lois antitrust, l’absence de régulation depuis les années 1980 et la doxa qui veut que le marché corrige de lui-même toute tentation monopolistique. Pour un grand nombre de patrons et d’investisseurs, elle est devenue l’« ennemie numéro un de Wall Street ».
Que fera Kamala Harris si elle entre à la Maison Blanche ? Deux grands donateurs, le PDG fondateur de LinkedIn, Reid Hoffman, et le tycoon des médias Barry Diller, ont dénoncé sa lecture « agressive » des lois antitrust, qui entraverait la bonne marche des affaires. Microsoft ne lui pardonne pas d’avoir tenté de torpiller le rachat de l’éditeur de jeux vidéo Activision, Facebook de contester l’absorption d’Instagram et de WhatsApp, Amazon d’avoir porté plainte pour pratiques monopolistiques. Sa reconduction ou son éviction auront valeur de symbole. Plus sensible que le président sortant aux demandes des géants de la Silicon Valley, l’ex-sénatrice de Californie peut être tentée de leur donner des gages, même si elle sait l’impopularité des Gafam.
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